Le mouvement des "dexters", entre l'acculturation et une quête d'identité.


Un père et un fils sont dans la rue, dans la commune de Carrefour dans l'Ouest d'Haïti. Alors qu'ils marchaient ensemble, ils ont vu un « dexter », jean déchiré porté au-dessous de ses fesses, maillot gucci et bourse tendue à son cou passant à travers de son épaule droite. Le fils a fait une déclaration qui nous a attiré l'attention : « Les marchants d'eau ne peuvent plus acheter ces bourse pour mettre leur argent, car les « dexters » les ont rendu sûrement plus chères. »
Nous sommes alors allés dans une friperie pour marchander une. Nous étions étonnés d'entendre que la marchande nous a demandé 500 gourdes pour une bourse qui ne coûtait que 25 à 35 gourdes avant le mouvement des « dexters. »

Le mot « dexter » est venu du latin dextra qui signifie droit. Ce mot était donc utilisé pour désigner le côté droit d'une chose. Il est donc apparenté aux mots français dextre, dextérité, dextralité et tous les mots de cette même famille. Mais ce mot anglais dérivé du latin semble avoir une autre signification dans la culture haïtienne.

Le mot « dexter » fait référence à un mouvement. C'est d'ailleurs un qualificatif. Les « dexters » sont un groupe d'individus qui se diffèrent dans leur manière de parler, de marcher et de s'habiller. On doit d'ailleurs aux « dexters » un grand nombre de néologismes comme :  bendo, crazy, loco, loca, barbie zuzu, barbie dorah… Les « dexters » sont de la nouvelle génération, la plus part sont des adolescents…

Leur manière de s'habiller est faite pour attirer l'attention. Que ce soit dans le choix des couleurs ou dans le style, les « dexters » font en sorte de s'éloigner d'avantage des normes de la société. Ils s'habillent avec des vêtements déchirés, des tennis propres et ayant du marque, une bourse passant à travers leurs épaules, sac à dos,  jean au-dessous de leurs fesses, leurs dents, leurs ongles et leurs cheveux sont quelques fois colorés. Ces vêtements déchirés sont souvent achetés à un prix exorbitant.

Un trappeur du groupe G-Chytt, l'un des groupe qui propulse le mouvement des "dexters" en Haïti. Cheveux colorés, un mouchoirs à son cou et une bourse à travers son épaule droite. 


Le sac à dos des "dexters".


Les « dexters » sont des indifférents à ce qu'on pourrait penser d'eux. Ils tentent de se démarquer de plus en plus en inventant toutes sortes de manières qui peuvent leur aider à atteindre leur objectif. Une de leur particularité qui attire l’attention de la population c'est leur marche lente et rythmée. Ils marchent comme si personne d'autre n'existait avec un sérieux impeccable et d'un rythme régulier.

Leurs consommations sont aussi différentes. Les « dexters » fument de la chicha et ils boivent du Fanta_dans lequel ils ajoutent des « Freegells », une friandise mentholée_à la longueur de la journée.

«[…] Delà, il faut comprendre que les « dexters » s’en tapent des soucis apportés par le temps, ils vivent comme on meurt. C’est une mode de résistance contre la conformité imposée par la société, et c’est donc l’une des raisons pour lesquelles l’on s’habille de vêtements déchirés, de couleurs variées, avec nos cheveux en broussailles », selon un adepte du mouvement. Un beau nihilisme auquel les « dexters » s'accrochent.

Certaines personnes parlent de perte d'identité. Ces gens pensent que la génération actuelle est très influençable par les cultures qui viennent de l'étranger. Car si vous êtes fan du rap américain, vous auriez vu que le style des « dexters » ressemble beaucoup à celui des rappers/trappers américains comme Famous dex,  Lil Pump et Jaden Smith. Alors nous vivrions à l'époque où Haïti est au pic de son acculturation selon certaines personnes de la génération passée.

Famous Dex.


D'autres personnes pensent que le mouvement des « dexters » est une résistance, une lutte qu'une jeunesse incomprise mène contre le système. Ce serait, pour ces gens, non pas une perte d'identité, mais une quête d'identité. Étant donné qu'ils n'ont pas eu de modèle dans leur nation, ils se tournent vers l'extérieur, mais dommage n'adoptent que des choses dévergondées de la part de gens rejetés pas leur propre société. Pour cette catégorie de personnes, le mouvement des « dexters » serait donc un SOS de la part d'une jeunesse qui se noie sous les yeux d'une société indifférente à leur cri.

Nous n'entreprenons ni de commenter ni de juger l’avis de ces deux catégories de personnes. Mais leur point de vue nous pousse à faire des interrogations: Le mouvement des "dexters", est-ce vraiment une résistance contre le système? Les jeunes comprennent-ils vraiment le sens de leur mouvement? N'est-elle pas de préférence le pur résultat de la folie juvénile? Ce mouvement n'est-il pas un indice de plus de notre décadence morale et de nos facultés de penser? L'acculturation dont parle les gens, a-t-elle commencé avec cette génération? N'est-elle pas le résultat du refus de notre culture et de l'imitation de culture étrangère étalée sur plusieurs générations? La jeunesse ne pouvait t-elle pas trouver un autre moyen de combattre le système?






Auteur: Hérard Jocelyn Godson. 


Commentaires

  1. Bravo Godson...pour moi la notion de dexter en est autant complexe...car ils le font chacun pour des raisons differentes...popularité? Folie? Acculturation??... Bref c'est imposible de centre le terme dexter à un but general...

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