Les fous de Saint-Antoine, pas seulement une réalité ayitienne, mais aussi une vérité universelle.


Lyonel Trouillot est né à Port-au-Prince le 31 décembre 1956. Comme la plupart des écrivains, il commence par la poésie, puis il se lance parallèlement dans la critique littéraire, il écrit également des textes de chansons. Professeur de littérature, il est aussi journaliste. Son premier roman, Les Fous de Saint-Antoine, paraît à Port au Prince chez Deschamps en 1989. De quoi parle t-il ? Quelle est sa valeur aussi bien sur le plan national, qu'universel?


Le résumé


Son œuvre est compartimentée en trois parties : "Saint-Antoine", "Dominique" et "L'envol". Chacune est épigraphiée par un court extrait poétique de Éluard, Baudelaire et Mallarmé. Le héros de ce récit se nomme Antoine Chrisostome Ephémère Brézeau, Antoine comme le Saint patron de son quartier. Sa vie sans histoire est résumée dans la courbe du vol d'un étrange pigeon blanc qui apparaît à la tête du premier chapitre du récit, et qui le boucle à la dernière phrase. Antoine est un genre d'homme perdu dans sa bulle abandonné par sa famille évadée aux États-Unis lui laissant au soin de sa tante Angela, une femme forte de Saint-Antoine. Mais le véritable personnage de cette chronique, c’est la petite foule de cet îlot de Port-au-Prince, en pleine période duvalieriste : Gédéon le vantard, Marie-Rose la bonne, Caca Clairin le clochard ivrogne détenteur de toutes sagesses, Ti Cadet le mort-trop-tôt, l’épicier mystérieux et sa femme-matrone, la vieille Hermann cannibale, la tante Angela au caractère de chien, vieille fille sacrifiée, Hermance la langue de vipère, Lumière Rouge, la prostituée forcément au grand cœur, Marco le prêteur sur gages, Carmencita la putain rêvée par Caca Clairin, Timoléon au ventre infernal, Mario l’enquiqui­neur et Willy l’usurier, les voyous associés, une volée d’enfants rieurs, une vague de vieillards à la dérive, un petit peuple de petit quartier... un grouillement de personnages.


Antoine enseigne tranquillement son savoir dans son atelier d'alphabétisation où la rejoint Dominique, l'enfant des beaux quartiers atterrie à Saint-Antoine par philanthropie et par amour pour cet étrange garçon au cœur doux. Malgré les moqueries des gens, elle se donne à lui sans condition. Mais Dominique sera rattrapée par sa famille, en partculier par sa mère, Madame Rivière, habitante de Babiole «orchidées et fougères, flamboyants et roses rouges, leçons de piano et pâtisserie française...» et, sans doute aussi, par son rang car «elle avait grandi à Babiole, dans une maison plus que cinquantenaire, une maison haute entourée d’arbres, vieille demeure majestueuse héritée par son père d’une tante sans progéniture...» Dominique «des beaux quar­tiers», «des fleurs blanches», «des matins frais de la vieille ville», «des fleurs aux branches», toutes ces périphrases qui la décrivent dans le récit. Son amour à l'égard d'Antoine est sincère mais ne pourra résister à la terrible pression de ce quartier de fous. Antoine reste seul finalement, la ytante Angela est morte, sa famille aux États-Unis et Dominique jamais revue. Il ne lui reste que des souvenirs et des désirs.


Approche personnelle

Ce premier roman de Lyonel Trouillot retrace à travers un seul quartier toutes les inégalités qui existent dans le pays, Ayiti, mais aussi il fait penser à ce qu'est réellement cette vie, "[...] souvenirs et désirs." Le premier est très bien consigné dans l'écart qui séparait les gens de Saint-Antoine dans un premier temps entre eux, et dans un deuxième temps avec les gens de Babiole. Une inégalité flagrante peint sous la plume combien mature de l'auteur en 1989 qui ne s'est malheureusement pas dissipée aujourd'hui. Aujourd'hui encore les quartiers Saint-Antoine et Babiole gardent leur distance. L'inégalité inscrite dans ces quelques 200 pages écrites en 1989 est la même en 2020. Le deuxième aussi se voit très clairement entre les lignes de l'œuvre : Cette vie, "[...] souvenirs et désirs." Après qu'on ait quitté les gens qu'on aime ou qu'ils nous aient abandonné, qu'est-ce qui nous restera finalement ? De longs souvenirs et une grande espérance que la vie continue quoi qu'il en soit. Cela se voit dans la vie d'Antoine qui remémore le Saint-Antoine d'antan avec des pigeons sous l'amandier de sa cour et lui, entouré de sa famille. À la fin nous avons vu un Antoine qui regrette Dominique et qui désire fort la revoir. La vie d'Antoine ressemble finalement à celle de tout homme, la vie, une suite de souvenirs et de désirs. Finalement l'œuvre romanesque de Lyonel Trouillot retrace une réalité non seulement haïtienne, mais elle a aussi une valeur universelle concernant ce qu'est réellement la vie.




Auteur: Hérard Jocelyn Godson 


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